Dernière mise à jour : décembre 2008

Chapitre VI—Azolette - le siècle décisif (1140 - 1240)

Zone de Texte: I — Humbert III de Beaujeu le Templier
Peu après la transaction en l’église d’Azolette, Humbert III acheta d’Artaud IV la seconde moitié de Riottier en complément de l’achat fait par Guichard III à son oncle Artaud III (*). 

Toujours est-il qu’en 1140-1141 Humbert III fonde Villefranche face à Riottier. Cette date est authentifiée par la bulle d’Innocent II où est présent l’archevêque de Lyon Falcon qui le fut de 1139 à 1141.
Avec cette fondation se situe une période mystérieuse de l’histoire des sires de Beaujeu. Le séjour en Terre Sainte de Humbert III après l’apparition du fantôme d’un de ses chevaliers, Geoffroy d’Oingt, mort deux mois plus tôt au combat, le suppliant de ne pas se joindre à l’expédition que son beau père Amédée III de Savoie allait engager contre le Dauphin s’il tenait à rester en vie. Pour résilier cet engagement, un voyage à Jérusalem évita toute explication. Ainsi fut décidé, laissant sans maître le territoire le plus influent et florissant de la région, avec une épouse éplorée à charge de deux enfants en bas âge : Guichard et Humbert et qui plus est dura près de sept ans. 

Cette explication universellement rapportée par les historiens est fort peu satisfaisante. Lorsque Humbert III part à Jérusalem, il rejoint les Templiers dès son arrivée ; ceci suppose qu’il était déjà « initié » et partait pour une « mission » particulière malgré ses 25 ans.(*)  . Par ce voyage inexplicable à Jérusalem, Humbert III participe à  « la légende des templiers ».
Zone de Texte: II — La légende des templiers
En 1119, neuf chevaliers, dévots et craignant Dieu se présentent au roi de Jérusalem Baudoin II. Il y a le premier maître Hugues de Payns feudataire du comte Hugues de Champagne au Nord Ouest de Troyes – André de Montbard oncle de Bernard abbé de Clairvaux  (frère de sa mère Aleth) plus sept autres chevaliers flamands. Pendant neuf ans, ces chevaliers refusent tout recrutement en dehors de la venue de Hugues de Champagne en 1125.

Sans garder les routes des pèlerins, raison officielle de leur présence à Jérusalem, ils effectuent un « commando » dans la totale solitude et le plus grand secret en un lieu sacré de l’ancien testament : le « Templum Salomonis ». Ils vont déblayer sous l’emplacement du temple, les immenses écuries, totalement remblayées, d’une capacité de 2000 chevaux ou 1500 chameaux.

Que cherchaient-il sous ce temple sacré ? Un objet aussi divin, aussi précieux, aussi dangereux que l’Arche d’Alliance contenant les Pierres de la Loi, enterré en ce lieu selon la tradition. 

En 1128, mission accomplie, ils rentrent ensemble (*), preuve qu’ils escortent un bien particulièrement précieux et passant par Rome, sont reçus par le pape ; puis se présentent au concile de Troyes, réuni pour la circonstance où ils demandent à être constitués en ordre religieux selon une règle monacale.

Bernard de Clairvaux rédigea une règle de moine-soldat qui exigeait une totale pauvreté personnelle de chaque chevalier mais était conçue pour que ce nouvel ordre devienne extrêmement riche et puissant. L’ordre recevait mais ne donnait jamais et cette richesse fut organisée de façon à profiter à tous. Le vœu d’obéissance observé dès l’origine fut réservé au patron du commando Saint Bernard de Clairvaux, initiateur de la plus importante mission de l’Eglise au Moyen-âge. 

En complément, il faut noter que pendant près de deux siècles, à partir de 1128 va s’épanouir le miracle de la « floraison Gothique » qui est partie de Cîteaux.. Alors que le Roman était arrivé à sa plénitude par évolutions successives du Romain et du Byzantin, jusqu’aux Bénédictins de Cluny , le Gothique apparaît immédiatement parfait et envahit tout l’occident. Il disparaît dans sa forme pure d’origine avec les Templiers suite à leur procès par le roi Philippe IV le bel, au début du XIV me siècle, jaloux de leur influence liée à leur puissance financière. 

Mais cette mission secrète des templiers n’est peut-être qu’une légende, aussi revenons à Humbert III de Beaujeu.
Zone de Texte: III — Le retour du templier (1147)
Pendant ces sept ans d’absence, les seigneurs voisins du Beaujolais, reprennent sans scrupules les conquêtes acquises par le puissant Guichard III, son fils étant loin et pour longtemps, il ne reviendra peut-être jamais. Chacun en profite pour s’acharner à l’envi sur la Baronnie et la proximité du mâconnais et de sa vicomté, assure qu’Artaud IV ne laissa pas sa part dans ce pillage. Aussi une circulation importante d’hommes en armes de 1140 à 1147 s’effectua de la Vicomté vers Beaujeu. 

Sortant de la forteresse de Dun par la porte principale au sud, on passait par Dunet - la croix Chenier – le col de la Cépée – le futur village de Saint Clément suivant la crête jusqu’à la Moule pour longer la limite Est d’Azolette et atteindre Propières – puis par la croix d’Ajoux traverser le massif du Saint Rigaud, redescendre jusqu’à Chenelette et prendre l’ « iter publicum » le long de la vallée d’Ardières jusqu’à Beaujeu.

Deux frères de la famille de Montboissier, l’un Heraclius, archevêque de Lyon, l’autre Pierre « le vénérable », 8me  abbé de Cluny, après supplication d’Alix l’épouse d’Humbert III, accordèrent leurs bons offices pour obtenir du pape la cassation des vœux du templier et l’obliger à rentrer en Beaujolais.

Pendant ces démarches par un revirement dont on ne sait la cause exacte, Humbert III réapparaît en 1147 à Beaujeu alors qu’on ne pensait plus le revoir. Aussi, la joie des uns égale la consternation des autres. Il rétablit son autorité et réduit rapidement le Comte de Mâcon et le Vicomte « ce loup qui cherche à dévorer nos terres le matin le soir et la nuit » écrit Pierre « le vénérable ».

Cluny a besoin d’Humbert III en absence d’autorité du roi, face à tous ces suzerains roitelets. On comprend qu’un templier, héritier d’un grand nom possédant une immense baronnie soit pour Cluny le seul puissant à conserver à tout prix. Cluny l’aida à régler ses comptes avec l’Eglise et les Templiers. Le pape Eugène III le releva de ses vœux contre une réparation publique, ce fut Belleville et son Abbaye construite entre 1168 et 1179 qui devint la nécropole de la maison de Beaujeu.

Humbert III jusqu’à sa mort en 1193 exerça une influence considérable, prenant part à tous les évènements et jouant l’arbitre dans tous les différends où l’Eglise ou Cluny sont concernés. Bénéficiant d’une grande habileté jointe à l’éthique du Temple, il fut toujours moins mauvais que les autres seigneurs.
Zone de Texte: IV — Les luttes contre Cluny (1166-1180)
En 1166, un pacte est scellé contre les clercs et religieux de Cluny entre : 

le comte Guillaume I de Châlon, témoin d’Artaud IV en l’église d’Azolette, mort en 1168 a laissé sa place à son fils Guillaume II encore plus sanguinaire que lui

le comte Girard de Mâcon, Comte depuis 1155

le sire Humbert III de Beaujeu, qui laisse agir son fils Humbert IV (*) tout en restant en permanence présent, mais en retrait

le vicomte Artaud IV Le Blanc, Vicomte depuis 1137

Trois importantes campagnes contre Cluny eurent lieu entre 1166 et 1180.

en 1166, avec l’aide de mercenaires Brabançons, Guillaume II et Girard prennent le château de Lourdon, forteresse de Cluny et passent au fil de l’épée de nombreux bourgeois de la ville. (*) 

en 1170, Girard et Artaud IV, auxquelles par hostilité personnelle s’est joint Humbert III, se liguent contre Renaud de Bagé et dévastent ses terres à l’Est de la Saône et prennent en otage son fils Ulric. 

en 1180, Guillaume II avec Alexandre Gros, sire de Brancion et avec l’aide de Brabancons dévastèrent Cluny. Le pouvoir royal étant passé des mains de Louis VII à son jeune fils Philippe Auguste, âgé de seulement quinze ans, le comte Girard et le vicomte Artaud en profitent pour reprendre leurs attaques contre les religieux.

Ces luttes obligèrent la royauté à faire trois expéditions, 1166, 1171 et 1180 malgré elle, cédant à la pression pontificale dont dépend directement Cluny. Elles ne rencontrèrent aucune résistance sérieuse et furent de courte durée en simple promenade. 

Si la présence de l’armée royale faisait s’incliner tous ces roitelets dès qu’elle était loin, tous relevaient la tête et retournaient à leur lutte. Le milieu était rétif et la paix du roi de courte durée sauf en 1180 avec la prise de Dun.
Zone de Texte: V — La prise de Dun (1180)
Le jeune Philippe Auguste souhaitant montrer sa puissance et arrêter les pillages du comte et vicomte de Mâcon entra sur les terres mâconnaises où il fit un butin considérable, les obligeant à restituer aux églises ce qu’ils avaient pris. Remontant de Cluny la Grosne septentrionale, il poursuit le comte au delà de la ligne de partage des eaux en rasant le château de Chevagny le Lombard (au dessus d’Aigueperse). Le comte Girard et son acolyte le vicomte Artaud IV se replient dans leur forteresse de Dun.

Le roi en fait le siège sans en donner l’assaut qui aurait été long car Dun ne serait tombé que par la soif. Devant le rapport de force et la fin certaine, le comte et le vicomte se rendirent. Alors le jeune Philippe Auguste dicte ses volontés et un traité est signé au château de Lourdon, dont une des clauses est la démolition du château fort de Dun. Cette clause fut exécutée, et il ne reste de la forteresse plus aucune muraille debout.

Philippe Auguste continue sa marche par Chauffailles où il rase la maison forte des Villon puis Châteauneuf, pour se rendre à Charlieu. Là, il confirme que les possessions du prieuré de Charlieu ne sont plus soumises à l’autorité du vicomte Artaud IV et fait construire près de ce prieuré la tour défensive qui porte son nom.

Cette guerre dura au plus les deux mois de juillet et août 1180, mais elle fut décisive car elle entraîna le respect de la royauté et de l’Eglise successivement en Mâconnais, Lyonnais et Dauphiné.
Zone de Texte: VI — La fin du mâconnais
Le grand perdant de cette intervention royale fut le vicomte de Dun, Artaud IV, qui dut réparer tous les torts qu’il avait causés. Pour cela ses biens déjà forts hypothéqués furent vendus. Artaud IV, bien vieux et ruiné, pris de remords, part en Terre Sainte. Tombé dans le plus grand dénuement, il serait mort près de Gènes. C’est la fin définitive de la maison Le Blanc. 

Azolette est intacte compte tenu de la reddition rapide de Dun et du départ du roi aussitôt vers Charlieu. Les engagements pris entre Guichard III puis Humbert III encore en vie et les Le Blanc, s’appliquent aussi bien à Azolette qu’aux paroisses avoisinantes qui deviennent dépendantes du sire Humbert III de Beaujeu. (*) 

Ainsi en 1192, Azolette est fief d’Humbert III, sire de Beaujeu ainsi que les trois paroisses qui l’entourent : Belleroche, Saint Germain la Montagne et Propières (représentée par la prévôté d’Azoles).

Par contre, Girard, comte de Mâcon, fit amende honorable et distribua des aumônes aux monastères, il évita ainsi de subir le même sort que la maison Le Blanc et réintégra la Vicomté à l’intérieur du Comté.

Quelques années après, sa petite fille Alix, héritière du mâconnais, épousa Jean de Braine. Ce dernier, après quelques années tumultueuses, se range en 1236 et reconnaît en l’abbaye de Tournus le roi de France comme suzerain en présence de l’évêque de Chalon Guillaume de la Tour. Alix n’ayant pas de descendance, « Saint Louis cueillit le fruit mur » en achetant le 12 février 1239 le comté du mâconnais pour 10 000 livres en capital et 1000 livres de rente avec toutes ses appartenances dans le royaume et la portion restée allodiale du « comitatus ».

A partir de cette date, tout le mâconnais, donc Azolettes, est devenu propriété de la couronne de France.

(*) Ceci est confirmé par un acte passé en 1192 entre Humbert III et son neveu Guy II comte de Forez, fils de sa sœur Sybille. Juste avant sa mort, Humbert n’a toujours pas réglé la dot de sa sœur. Guy II, organise une grande assemblée dans une verchère de Pouilly le chatel où son oncle Humbert III ne pouvant régler cette dot est condamné à livrer une partie de ses biens en Beaujolais à savoir : « les châtellenies de Montmelas, de Chamelet, d’Amplepuis, et les fiefs et terres de Grandris, Pramenoux, Saint Bonnet le Troncy, Bece (sur Ranchal) Belleroche, Saint Germain la Montagne, la prévôté d’Azoles, Azolettes ». Il est bien spécifié dans cet acte qu’Humbert III donne tous ses biens en ces territoires (les châteaux, les bourgs, les villas, les terres défrichées, les bois, les hommes et les serfs).

 

Ces territoires n’ont en fait jamais appartenus aux comtes du Forez car la transaction fut réglée par le successeur de Humbert III, son petit fils Guichard IV, très richement marié avec Sybille de Hainaut, qui le rendit beau frère de Philippe Auguste et scella les liens des Beaujeu avec le parti du roi.

(*) Cette vente est contestée par tous les historiens de l’Ain unanimes pour faire remonter ces acquisitions vers 1050 (donc d’Artaud II).

(*) Il avait connu le premier maître Hugues de Payns, mort en orient en 1136 et sans doute son successeur Robert de Craon, mais surtout Hugues comte de Champagne, peut-être grâce à sa mère Luciane.  qui était retourné à Jérusalem en 1225 comme templier abandonnant son comté et répudiant femme et enfants

(*) au moins six sur les dix

(*) Guichard l’aîné étant mort en 1164

(*) On parla de 500 et qu’un ruisseau de sang coulait dans les rues de Cluny

Zone de Texte: VII. Joug Dieu et ses crises internes (1180-1220)
Quelques dizaines d’années après son érection (1137) en abbaye, Joug Dieu devint suffisamment importante avec l’appui des comtes de Mâcon des sires de Coligny et surtout des sires de Beaujeu pour fonder son premier prieuré à Seillon situé à quelques kilomètres au Sud de Bourg en Bresse, en 1160.
Pas pour longtemps, car l’ordre nouveau et célèbre de Saint Bruno attira le nouveau prieuré. Les moines de Seillon du consentement de Dom Guy de Quincieux (1178-1186) troisième abbé de Joug Dieu prirent l’habit et la règle austère des Chartreux. Ce changement fut approuvé par une bulle du pape Alexandre III. 
Cependant, cette première cession de Joug Dieu fut suivie d’une autre qui devait être fatale à son développement. Seillon avait sous sa dépendance un autre prieuré situé à Montmerle (*), fondé autour de 1170. En 1186, un accord détacha Montmerle de Seillon et le laissa sous l’autorité de Joug Dieu. Tout alla bien pendant 24 ans, mais en 1210, les religieux de Montmerle furent autorisés par une bulle du pape Innocent III à rejoindre leur prieuré mère de Seillon et firent leur entrée à leur tour dans l’ordre des Chartreux.
Ce coup fut rude pour Joug Dieu qui perdait les deux prieurés soumis à son autorité. Aussi le cinquième abbé de Joug Dieu, Dom Aymon, protesta avec véhémence contre cette décision arbitraire du pape et ce fut l’archevêque de Lyon (Renaud de Forez) sans doute le plus remarquable des primats des Gaules, qui après étude du dossier et beaucoup de doigté et bon sens, pacifia les deux parties en 1220.
On accepta l’appartenance de Montmerle aux Chartreux mais on laissa des dépendances à Joug Dieu, sentence confirmée en 1222 par bulle du pape Honorius III. 
Après ces événements qui avaient troublé sa quiétude et amoindri son autorité, l’abbaye de Joug Dieu retrouva le calme et la sérénité favorables aux exercices religieux.

(*) en Bresse et non en Dombes dépendant du seigneur Guigue