Dernière mise à jour : décembre 2008

Zone de Texte: VIII. L’Abbé de Joug Dieu - seigneur d’Azolette
Cette perte d’autorité interne de Joug Dieu n’eut pas d’incidence sur ses revenus, car les dons affluent en grande quantité. Les testaments sont nombreux contenant quelques clauses en faveur de l’abbaye. Bien entendu, les sires de Beaujeu n’eurent garde d’oublier la fondation de Guichard III et à leur mort léguèrent des sommes énormes pour l’époque. Des personnages importants eurent aussi à leur dernier moment une pensée pour la modeste abbaye (*) 
D’autres, chanoine de Beaujeu ou chapelain d’Anse, font des dons pour qu’un anniversaire soit célébré pour le repos de leur âme. Grâce à toutes ces largesses, l’abbaye demeurait prospère et florissante et pensait activement à agrandir ses possessions foncières.
Dans ce sens, il existe un acte du lendemain de l’Annonciation de Notre Dame, année 1231 (*), par lequel Humbert V alors sire de Beaujeu sur le point de partir en pèlerinage à Saint Jacques de Compostelle ,  accorde à l’abbaye Notre Dame De Joug-Dieu, la faculté d’acheter, de recevoir et de posséder à perpétuité dans ses fiefs, excepté dans ceux « in quibus habet servitium »(*) Cet acte correspond au souhait de l’abbé Dom Anselme de Joug-Dieu (1226-1249) mais pourquoi choisir Azolette ?
La situation choisie par Guichard III pour fonder Joug-Dieu n’était pas heureuse. On constatait un siècle plus tard, que son terrain gras et fertile était fréquemment submergé par les crues de la Saône, le sol en était continuellement exhaussé par l’apport d’alluvions. Il en résultait une habitation malsaine et des difficultés d’accès et de communication. Il n’était pas raisonnable d’augmenter uniquement autour de l’abbaye son patrimoine foncier, il fallait chercher ailleurs.
Cette volonté de placement foncier, hors abbaye, est le fruit de l’opulence, hélas passagère, de l’abbaye qui l’orientera vers une seigneurie laïque, fief des sires de Beaujeu. Ce choix se porta sur Azolette car la paroisse bénéficiait de l’influence spirituelle de l’abbaye de Saint Rigaud, abbaye du même ordre aux règles aussi exemplaires (*).
 A cette même époque, l’abbé de Saint Rigaud, Dom Geoffroy essayait de sortir l’abbaye de son oubli et de lui redonner vie en obtenant du pape Innocent IV (1252) une bulle qui adoucissait l’austérité des observances propres à Saint Rigaud. Nous relevons, par ailleurs, en 1230 des liens particuliers avec l’abbaye de l’île Barbe, autre abbaye Bénédictine au Nord de Lyon où Dom Geoffroy précise : « les moines sont reçus comme des frères et lorsque l’abbé et ses successeurs viendront à mourir, pendant trente jours, on dira pour eux (dans l’autre abbaye) l’office entier, l’oraison à la messe matinale et on servira au réfectoire leurs portions (qui étaient destinées aux pauvres)… » 
Or Joug-Dieu, comme Azolette, sont sur le chemin reliant Saint Rigaud à l’île Barbe.
Comment ne pas penser que tout naturellement Dom Geoffroy de Saint Rigaud et Dom Anselme de Joug Dieu ont cherché tous les deux à tisser des liens entre leurs deux abbayes si semblables dans leurs règles et leur Histoire.
Par l’achat d’Azolette, fief des Beaujeu, en 1231, paroisse bien modeste après la démolition de Dun et sans obligation de « servitium », l’Abbé de Joug-Dieu concrétisa ce lien.
Cette association exceptionnelle de deux abbayes régionales voisines et semblables dans leur esprit Bénédictin réunissant temporel et spirituel pour la vie d’Azolette dura sans faille pendant plus de cinq siècles.
Trois ans après (mars 1234), Humbert V victorieux des albigeois, rentre dans ses états, surchargé de dettes. Pour payer ses créanciers, il ne trouve rien de mieux que d’imposer un droit de « cornage » sur le bétail y compris pour les abbayes de Belleville et Joug-Dieu et le chapitre de Beaujeu. Taxe totalement hors droit qui face au refus de ces institutions amena à une transaction où Humbert écrit : 
« … j’ai promis et juré sur les saints évangiles de Dieu que dorénavant je ne demanderais plus la dite taxe ni par moi, ni par un autre, car je n’avais aucun droit à demander la dite taxe si eux ne la supportent de leur bon gré… en sorte que le droit seigneuriale demeure de plein droit aux églises. »
En échange, il octroyait aux deux abbés et au doyen qui lui venaient en aide, les amendes des effusions de sang, quand il ne sera pas porté plainte devant lui, pour cela « il donnait à ses abbaies (sic) et chapitre la haute justice sur tous leurs fonds afin que l’ayant, ils eussent des amendes de droit ».(*)
En résumé pour l’abbaye de Joug Dieu
le fief d’Azolette a été vendu par Humbert V en 1231 et la haute justice accordée en 1234
la seigneurie d’Azolette devient alors indépendante des sires de Beaujeu, son suzerain reste le Comte de Mâcon qui la possède en aleu, ayant réintégré la Vicomté dans le Comté mâconnais, après la chute de Dun (1180).
la vente du mâconnais par Jean de Braine à Saint Louis amène tout le mâconnais, à la couronne royale en 1239
A partir de 1239, l’abbé de Joug-Dieu, seigneur haut justicier d’Azolette, dépend du « ressort » du roi de France et de sa garde, qui demeure son seul suzerain.
Cette seigneurie est une « enclave en mâconnais » jusqu’à la Révolution entourée des deux terres beaujolaises de Belleroche et Saint Germain la Montagne qui elles dépendent du sire de Beaujeu.
Pendant ce temps, la vie de Joug-Dieu sera constituée de menus faits, peu intéressants pour l’extérieur n’ayant aucune incidence sur la Seigneurie d’Azolette. 
Existence d’une abbaye, plus soucieuse d’observer la règle Bénédictine que de rechercher la puissance, par la guerre ou la diplomatie, comme sa belliqueuse voisine, l’abbaye Lyonnaise de Savigny.
Joug Dieu subira le contre coup des évènements du XV me et XVI me siècle qui agiteront le Beaujolais pendant la guerre de Cent Ans et les guerres de Religion entraînant la diminution de ses revenus.
La fin du XVII ème siècle sonnera sa mort, abandonné de ses derniers religieux qu’elle nourrit encore mais ne peut plus abriter.
Tout est pratiquement dit sur la seigneurie d’Azolette. 
Il nous reste à faire revivre les Azolettons dans cette « enclave, plus cocon que prison ».
Légende encadrée avec une bordure 1: Meras situe ce départ le même jour mais en 1232

(*) Renaud de Forez, l’archevêque de Lyon qui régla la crise de l’abbaye en 1220, dans son testament du 16 octobre 1226, lui fait une libéralité princière en léguant cinq cents sous forts pour acheter une terre et célébrer son anniversaire annuel

(*) D’ailleurs, aucune seigneurie laïque n’est consignée semble-t-il dans les archives de Joug-Dieu.

(*) au XIII me siècle, le mot servitium couvre les obligations et devoirs dus au suzerain, on parle de « servitium regis » qui couvre essentiellement l’obligation du service de l’ost (l’armée).

(*) Cette haute justice de Joug-Dieu sur Azolette existait encore en 1749 dans l’acte de vente de la seigneurie à François-Marie Delacroix.