Zone de Texte: I. Artaud III — Vicomte (1100-1120)
Le réveil des sires de Beaujeu
Nous avons relaté la fondation sous le vocable de Sainte Madeleine de l'Hôpital d'Aigueperse, en 1100, par Archimbaud II qui s'y fit enterrer. 
Dans la charte de fondation, est noté que "sa femme et son fils (Artaud) approuvèrent la donation. Si un des successeurs se refusait jamais à pareille approbation, l'évêque d'Autun devait l'y forcer". Cette phrase est prémonitoire sur l'avenir de la Maison Le Blanc car vingt ans plus tard, la décadence commence, pour être définitive à la chute de Dun en 1180. Ce sera une lutte d’influence entre Beaujeu et Dun dont Beaujeu sortira définitivement vainqueur en 1180. 
A sa mort, Archimbaud II laissa quatre garçons : Artaud III qui lui succéda, mais sans postérité, c'est son frère puîné Archimbaud III qui dirigea ensuite la Vicomté. Quant aux deux cadets, suivant l'habitude, ils furent destinés à l'Eglise : Hugues comme trésorier de l'église de Reims, Etienne comme simple moine.
La confirmation d'Artaud III comme Vicomte est trouvée dès 1100 dans le Cartulaire Lyonnais sur l'hôpital d'Aigueperse, lieu sous la "paix de Dieu", servant d'asile inviolable pour les hommes qui s'y réfugient. Pourtant, le responsable ecclésiastique n'a pas pouvoir de juger un crime de sang et doit le livrer au "Domino Artaldo".
Artaud III, bloqué dans ses possessions de part et d'autre de la Loire, acheva la protection autour de la forteresse de Dun, à Chevagny le Lombard, avec son château fort et à Azolette, simple poste militaire avec une maison forte et une église paroissiale.
Cet ensemble défensif devait commencer à être connu, sinon reconnu. Aussi, le seigneur de Beaujeu, Guichard III, voyant que les choses risquaient de se gâter pour lui, ne put continuer à rester indifférent devant ce renforcement de la défense militaire de la Vicomté.
Zone de Texte: II -Riposte de Guichard III de Beaujeu aux fortifications des Le Blanc
Guichard III avait su conquérir de nombreuses terres, car beaucoup de petits seigneurs ayant besoin d'un protecteur en l'absence de l'autorité effective du roi des Francs et aussi du Comte de Mâcon, trouvèrent en Guichard III, l'homme le plus capable de faire respecter leurs droits, s'il le fallait par la force, grâce à son armée imposante (*).
Pourtant, face aux défenses de la Vicomté, il n'avait ni fiefs ni alleux,* de l’autre côté du massif de Saint Rigaud. La partie océanique, très boisée, rejoignait des terrains nouvellement défrichés ou acquis par les Le Blanc, du Comte de Chalon. 
Il utilisa alors le droit reçu de Hugues de Cluny, d’être accueillis en passager, lui et son armée, dans des lieux dépendants de l'abbaye contre son engagement de protéger et défendre les biens de Cluny. Ce sont les deux domaines donnés à Cluny en l'an mil, comme expliqué précédemment, qui furent fortifiés par Guichard III.
Un château fort à Belleroche sous la Grefferie. Il sera occupé jusqu'au milieu du XVIème siècle par les de Marzé puis les de Nagu.
Une tour à Azoles, face à Azolette, érigée en prévôté, qui fut transférée au XIII me siècle, à la création du village de Propières. Jusqu'au XV me siècle, la famille de Propières fut Seigneur du fief de la Tour, où en 1420 la dernière héritière, Ancelise, épousa Pierre de Chandieu. Puis ce furent les de Chandieu jusqu'au début du XVIII me siècle.
A l'Est de Propières, Guichard III avait inféodé le domaine de La Farge; il y bâtit une maison forte autour de 1119 (date inscrite sur le linteau d'une ouverture existant encore actuellement). Cette maison forte, fief de la deuxième seigneurie de Propières, fut démolie et rebâtie plusieurs fois, passant entre les mains de plusieurs familles nobles, dont les de Verneys (1459), Philibert d’Arcy (1481), les de Foudras (1539), les Bonnes de Lesdiguieres (1660), puis les de Musy et les de Drée. Le château était quasiment démoli quand il fut rebâti, sur un nouveau plan, en 1870, par le Baron Charles Meyer-Berthaud
Pour calmer cette atmosphère belliqueuse, Artaud III avant de mourir, peu avant 1120, aurait vendu à Guichard III, sur la rive gauche de la Saône, la moitié de Riottier, commune de Jassans, face à Villefranche, fondée vingt ans plus tard par son fils, Humbert III.
Ce bien, situé à dix kilomètres au sud de Montmerle confirme, s'il en était besoin, la descendance des Le Blanc du Vicomte Guigue de Montmerle
Zone de Texte: III. L’abbaye de Joug-Dieu (d’après Joseph Ballofet)
Le XII me siècle est fertile en création d'institutions religieuses. De toutes parts s'élèvent des monastères, des prieurés et même des abbayes.
Il en est de même en Beaujolais, où un monastère est fondé en 1115, par Guichard III, rive droite de la Saône, juste à l'amont du futur Villefranche sur Saône.
Pour assurer le rachat de son âme et celle des membres de sa famille, Guichard III décide de fonder sur ses terres un monastère bien à lui qu'il se plairait à doter et entretenir. En échange, les moines devraient prier et célébrer certains offices et anniversaires pour le fondateur et sa famille. 
Une fois le projet conçu, Guichard III s'adressa à Bernard, Abbé de Tiron, au diocèse de Chartres, un réformateur de l'ordre bénédictin, dont la réputation de sainteté était universelle.
Il en obtint six religieux qu'il installa dans sa villa (*), sur la paroisse d'Ouilly (69).
Pour comprendre l'engagement de Joug-Dieu, un siècle plus tard, à la direction temporelle d'Azolette, il est nécessaire de s'arrêter quelques instants sur l'ordre de Tiron et la personnalité de son fondateur, d'une exigence et d'une rigueur spirituelle, en parfaite harmonie avec les règles de l'abbaye Bénédictine de Saint-Rigaud, selon l’ordre de Saint Damien.
Bernard, futur Saint, est né en 1064. Il commence sa vie comme moine à l'abbaye Bénédictine Cyprien de Poitiers où il refuse d'être abbé et s'enfuit pour vivre en "ermite" dans les forêts du Maine, puis l'île de Chaussey et enfin la forêt de Fougères. C'est là que Rotrou, comte de Perche, vient lui offrir les solitudes de Tiron, pour y établir un monastère où la règle de Saint-Benoît y serait appliquée dans toute sa rigueur.
La fondation est de 1114 et Bernard, très vite, groupa autour de lui de nombreux disciples et on parle de l'ordre de Tiron, comme de l'ordre de Cluny ou l'ordre de Citeaux.
Mais d'où viendrait ce nom de Joug-Dieu, la charte de fondation datant de 1118 étant fausse ?. (*)
"Joug" ne peut venir du gallo celtique qui veut dire "sommet", comme dans Ajoux en Haut Beaujolais, face à la platitude des terrains en bord de Saône. Ce nom fut imposé dans sa dureté et sa rigueur par l'abbé Bernard de Tiron lui-même, qui voulait une abbaye humble et soumise, comme les treize autres de l'ordre.
Il la plaça sous le symbole du "Joug" c'est à dire de la "dépendance et plus que le service, la servitude de Dieu". D'ailleurs, d'autre abbayes de cette époque portent des noms doubles, formés à l'identique, comme : la Chaise-Dieu ou la Bénisson-Dieu …
Composé au départ, de six moines, sous l'autorité du Prieur Gaucer, le monastère s'accrut d'autant plus rapidement que les biens donnés par Guichard III étaient considérables et les pâturages et cultures, les meilleurs de la villa, d’une fertilité encore reconnue de nos jours.
Les moines eurent des revenus immédiats, à la différence des autres abbayes qui devaient d'abord défricher les terrains, pour ensuite les mettre en valeur.
Le nombre de religieux devint vite important et en 1137, à la demande de Pierre 1er, Archevêque de Lyon, dont dépend le monastère et de Humbert III de Beaujeu (*) l’Abbé de Tiron, Guillaume 1er, l'érigea en abbaye avec le titre de Sainte-Marie de Joug-Dieu. Ainsi, le prieur Gaucer devint le premier Abbé de l'abbaye.
Nous suivrons en leur temps les événements qui marquèrent cette abbaye. Pour l'instant, vers 1120, à la mort d'Artaud III Le Blanc, sans postérité, c'est à son frère puîné que revint la Vicomté. 
Zone de Texte: IV — Archimbaud III Le Blanc - Vicomte  (1120-1137)
Archimbaud III la dirigea jusqu'en 1137 et amena avec lui la décadence, tant morale que patrimoniale de la maison Le Blanc.. Barbare et sanguinaire, il se désintéresse des œuvres pieuses de ses ancêtres et s'adonne au pillage des biens de l'Eglise que ses pères avaient toujours comblée. Non seulement il supprima toutes les offrandes aux abbayes, mais il rançonnait les fermes, domaines ou prieurés de la Vicomté.
Il volait les bêtes, s'octroyait les récoltes, incendiait les manses et dépendances de Cluny comme de Saint-Rigaud en réservant le même sort aux habitants de la Vicomté, qui, pour échapper à la mort, devaient s'enfuir dans les bois.
En plus, il rançonnait les sujets des seigneurs voisins ; ceux-ci pour se venger en faisaient autant et l'on allait jusqu'aux meurtres et aux incendies. 
Les seigneurs de l'époque étaient encore tous barbares, mais le plus rapace et le plus sauvage, aux dires de Pierre le Vénérable, était "le Vicomte de Dun".
Pour mener à bien toutes ses razzias, il fallait se payer : des soldats, des chevaux, des armes et tout l'équipement chevaleresque. Donc engager des dépenses supérieures aux revenus de son patrimoine ; d'où nécessité d'emprunter, d'engager ou vendre ses biens. C'est ce que fit Archimbaud III, tout au long de son passage à la tête de la Vicomté.
Pendant dix sept ans, son "grand argentier" fut Guichard III, qui, consciencieusement, mit tout en œuvre pour que la maison Le Blanc, tombe progressivement mais inéluctablement en son pouvoir. (*)
En 1120, tout ce qu'il possède en "alleu" à Montagny (près de Thizy), passe en faveur de Guichard III.
En 1125, il engage encore son petit château de Cavayre  plus la montage où il se trouvait avec tout ce qu’il possédait depuis la vallée de Murcy (Mussy) et de Dun jusqu’à la Bussières, Marcilly et Sainte-Marie de la forêt (Bois Sainte-Marie). On y trouve les terres de Chateauneuf et celles de Montmelard, avec toutes les paroisses avoisinantes. Or, en remontant la vallée de Mussy, on arrive à Azolette.
Après quoi, Guichard III lui rendit tout en fief, à condition que si le dit Archimbaud III venait à décéder sans héritier direct, le seigneur de Beaujeu lui succéderait et, dès lors, Archimbaud III devint "homme lige" de Guichard III et lui jura fidélité. Cet acte passé à la tour d'Azoles, face à Azolette, fut mis à exécution après la chute de Dun (1180).
En 1130, fuyant l'anti-pape Anaclet, maître à Rome, le pape Innocent II vint à Beaujeu pour consacrer l'église Saint-Nicolas. Peu de temps après, Guichard III fut atteint d'une maladie de langueur, nous dirions une forte dépression, qu'il attribua naturellement à ses péchés.
Faisant un retour sur lui-même, Guichard III alla chercher dans la retraite, la paix et la tranquillité qu'il attendait. Il ne partit pas en croisade, comme les autres, car il avait trop vécu sur "le dos" des croisés pour accepter la sainte et héroïque folie de son siècle.
En fin politique, une fois encore, il usa de ses relations et devint moine à Cluny vers 1134 et y mourut en 1137, quelques temps avant l'érection de Joug-Dieu en abbaye.
Ce fut son fils, Humbert III qui le remplaça, mais du fait de son très jeune âge, à peine 20 ans, de son inexpérience, il commit des imprudences et des erreurs qui amenèrent les voisins à trouver l'occasion favorable pour récupérer les conquêtes de Guichard III.
Le vieillard dût sortir de Cluny, reprendre les armes et très rapidement reconquérir les terrains perdus par son fils et retourner ensuite à Cluny pour y finir ses jours.
Archimbaud III qui était à la tête des seigneurs frondeurs, constatant son échec et tous ceux antérieurs de sa vie, sentant sa fin prochaine, veut "sauver son âme" et décide de partir en pèlerinage à Jérusalem.
Mais comme il fallait des sommes importantes pour partir, Archimbaud III donne et cède à Humbert III tout ce qu'il possédait rive droite de la Loire, dans la plaine, dans les montagnes, en bois, eaux, fiefs, serviteurs et servantes, moyennant 600 sols forts monnaie de Lyon et 3 marcs d'argent. Cet acte fut signé début 1137 à Azoles, dans la chambre de Durand de Marchamps, chevalier et prévôt de Propières pour le seigneur de Beaujeu.
Ceci n'étant pas suffisant, il met en gage les terres de Chevagny le Lombard, pour 5 100 sols de Cluny, avec la condition qu'en cas de décès sans héritier direct, aucune autre personne que Humbert III ne pourrait racheter les biens engagés.
Enfin, Archimbaud engagea le mas d'Arfeuil d'Artaud Morel (dont les ancêtres "Girbadus et Artaltus Morel " avaient participé en 1065, à la fondation de Saint Rigaud) pour 1390 sous de Cluny, qui fut racheté par Humbert III en 1140, à Proprières, à la tour d'Azoles, pour 2 100 sous de Cluny au fils d'Archimbaud III.
En 1137, Archimbaud III part à Jérusalem dont il ne revint jamais et c’est son fils, Artaud IV, ne valant pas mieux que son père qui succéda à la tête de la Vicomté.

(*) Comme souvent à cette époque, la charte de fondation est le fruit de l’imagination d'un moine du XVI me siècle, qui montre Guichard III rêvant "six hommes, le joug au cou, tirant une charrue et dirigés par le Saint Abbé de Tiron, Bernard, pour tracer un sillon droit. A mesure qu'ils avancent, sortent de terre des fruits en abondance".

(*) on dirait maintenant sa "résidence secondaire"

(*) fils successeur de Guichard III, mort juste avant.

Chapitre IV — Premier tiers du XII me siècle.

Lutte d’influence entre Beaujeu et Dun

(*) Ils n'hésitèrent pas à lui céder leurs héritages, libres et indépendants (en alleu) pour les recevoir aussitôt de Guichard III, dépendants et inféodés (en fief). Les propriétaires sans armes abdiquèrent donc leur indépendance pour conserver leur sécurité et devinrent "hommes liges" de Guichard III, liant leurs intérêts aux siens, sûrs ainsi d'être bien protégés et défendus. C'est l'inféodation : il y a sujétion de la part de celui qui se fait feudataire, alors que pour celui qui a repris "en alleu" il n'y a pas acquisition, mais extension de suzeraineté.

Cette féodalité se développa tout au long du XIIème siècle où l'alleu se transforme en fief.

(*) Comme le note Pierre le Vénérable "Guichard III utilisa ses avantages, non pour le service de Dieu, mais pour assouvir son orgueil en consumant aussi la plupart de ses jours dans l'ambition et la vanité du monde, avec un labeur infini, comme l'araignée qui tisse sa toile".

Dernière mise à jour : décembre 2008