Zone de Texte: En chemin avec le Curé d’Ars 
Selon Paul Perroy (p.41), c’est comme directeur du grand séminaire que notre grand oncle fut appelé à donner son avis quand le futur Curé d’Ars fut admis à passer ses examens de prêtrise. Le jury hésitait à se prononcer… Le savoir du saint ecclésiastique ne semblait pas être à la hauteur de sa valeur morale. On demanda l’opinion de l’abbé Delacroix. Ce dernier dit au jury : « Admettez l’abbé Vianney. Il ne fera peut-être jamais un savant mais il fera certainement un saint- prêtre ». On se rangea à son avis. Ce fait ne fut jamais consigné dans les livres traitant de la vie du Saint Curé d’Ars. C’est une pieuse tradition transmise par sa mère « Augustine » qui la tenait de son père « Louis de la Croix » propre neveu de l’archevêque.
Selon la famille Boelle, parmi les anecdotes familiales, il était rapporté sur le Curé d’Ars qu’étant au séminaire de l’évêché de Belley, il avait été repêché par notre grand oncle, vicaire général du diocèse, qui pensait qu’il ferait un bon curé de campagne. Nous allons essayer d’y voir plus clair.
C’est bien exact, qu’après une année de philosophie au séminaire de Verrières, l’abbé Vianney vint à la rentrée d’octobre 1813 au grand séminaire de Saint Irénée où le directeur en titre était l’abbé N-A. Delacroix depuis un an.
Séminariste débutant, le supérieur, Monsieur Gardette, s’intéressa certainement à cette ascète de 27 ans dont il connaissait la piété et l’application héroïque et lui donna comme répétiteur un des premiers de classe. De même M. Mioland, jeune prêtre de 25 ans professeur d’écriture sainte et de liturgie, le voyant si en retard, lui donna quelques leçons. Il lui explique la théologie non en latin, langue des classes et des examens, mais dans un manuel écrit en français et très clairement rédigé. Il comprenait mal le latin et le parlait plus difficilement encore. 
Aussi expérience faite, les professeurs ne l’interrogèrent plus jamais. Au bout de 5 ou 6 mois, les directeurs croyant qu’il ne pourrait réussir, le prièrent de se retirer. Ayant échoué au premier examen de Pâques 1814, il revint chez son protecteur M. Balley, curé d’Ecully. Celui-ci reprit « le Rituel de Toulon » de M. Mioland, employant le français et le latin tour à tour pour lui permettre de traduire les notions essentielles, pour le reste, l’esprit de Dieu y suppléerait. 
Vers la fin mai 1814, Monsieur Balley risqua la chance de présenter son élève. Le diocèse avait tant besoin de prêtres, il recevrait au moins les ordres mineurs. Donc trois mois à peine après son départ du séminaire, l’abbé Vianney reparut au milieu de ses anciens condisciples. Assis à la dernière place, il attendit son tour. Introduit dans la salle des examens, il vit ce vénérable jury présidé par M. Bochard, docteur en Sorbonne et vicaire général, et composé de ce que le diocèse comprenait de plus savant et de plus digne. Déjà impressionné, le candidat s’entendit appelé. Il se décontenança, saisit mal les questions latines, s’embrouilla et ne répondit que d’une manière incomplète. Le bureau d’examen demeura perplexe. Ce pauvre séminariste, de si bonne volonté, fallait-il le rejeter tout à fait ou simplement prolonger son attente… On crut préférable de décliner toute responsabilité en ce cas embarrassant : l’abbé Vianney était libre de solliciter son admission dans un autre diocèse, à supposer qu’un évêque consentit  à le recevoir. 
Revenu le soir même au presbytère d’Ecully, M. Balley vit le péril et intervint aussitôt. M. Bochard se laissa convaincre et vint le lendemain à la cure d’Ecully avec le supérieur du grand séminaire, M. Gardette, pour revoir dans l’intimité le candidat malheureux. Rassuré, Jean Marie Vianney répondit très bien aux questions posées. M. Bochard repartit d’Ecully favorablement impressionné mais la décision définitive était prise par M. Courbon, premier vicaire général. 
M. Courbon connaissait le besoin de prêtres et l’indulgence du cardinal Fesch lui-même peu féru de théologie. Aussi fut-il lui aussi indulgent. Simple et bonhomme, il se contenta de demander : 
- L’abbé Vianney est-il pieux ? A-t-il de la dévotion à la Sainte Vierge ? Sait-il dire son chapelet ?
- Oui, c’est un modèle de piété.
- Un modèle de piété ! Et bien, je l’appelle. La grâce de Dieu fera le reste.
Jamais M. Courbon ne fut mieux inspiré.
Cette remarque est reprise par l’abbé Odin dans son livre « Sur les Chartreux de Lyon », lorsqu’il écrit (p.67) : « le diocèse dut à M. Courbon, ce bon serviteur, plus de vingt ans de sage direction, et l’Eglise lui devra toujours le curé d’Ars, qui sans lui n’eut pas été admis à recevoir les ordres ». La cause est entendue.
Il suivit sans encombre la suite des examens. Admis en mars 1815 à recevoir le diaconat, il retourna au séminaire pour recevoir l’ordre de diacre à la Primatiale le 23 juin et ayant subi favorablement ensuite l’examen canonique au presbytère d’Ecully avec M. Bochard, qui constata ses progrès, il fut ordonné seul à Grenoble par Mgr Simon le 13 Août 1815. Revenu à Ecully, il se mit en route pour Ars le 3 février 1818. Dans la suite de la vie du saint curé, multiples sont les relations avec son évêque, Mgr Devie. Pourtant, jamais entre 1823 et 1836 il n’est fait allusion au vicaire général N-A. Delacroix, affecté sans doute à d’autres tâches.
Cet exposé complet, permet de rétablir la vérité, mais chacun pourra y puiser la sienne. Pourtant deux événements permettent d’associer la vie de notre grand oncle à celle du Saint Curé.
Curé de Fareins 
Le Curé d’Ars à 40 ans se sentait exténué. Aussi, début 1828, il demanda son changement, malgré l’importance qu’il portait à sa « maison de Providence », une école qui reposait totalement sur ses épaules.
Mgr Devie ne rejeta point la requête de l’abbé Vianney. Il lui proposa la cure de Fareins. Cette même cure, que le cardinal Fesch avait destiné vingt ans plus tôt à N-A. Delacroix. C’est pour la même raison, d’essayer de ramener dans le giron de l’Eglise, des enfants trop longtemps séparés, que Mgr Devie avait songé à M. Vianney. Il hésita d’abord, puis il crut préférable d’accepter. Songeant à sa « pauvre misère », il changea brusquement d’avis et écrivit à Monseigneur pour lui apprendre sa détermination de ne pas aller dans cette paroisse voisine car cinq fois plus grosse. Il resta à Ars jusqu’à sa mort.
L’abbé Raymond, vicaire d’Ars 
Le Curé d’Ars eut à souffrir pendant 8 ans, sur la fin de sa vie, des agissements d’un prêtre auxiliaire, l’abbé Raymond, son vicaire, de 20 ans son cadet que M. Vianney avait choisi et qui ne rêvait rien de moins que de le supplanter. Quelle analogie entre cet abbé Raymond et l’abbé Sentis, « ombre » de l’archevêque d’Auch (comme vu précédemment).
Au début, le Saint Curé lui laissait trop faire, en fait c’était par prudence, humilité et charité qu’il suivait autant que possible les volontés de son vicaire.
Pendant la semaine sainte des paroissiens demandèrent la mutation de l’auxiliaire. Le Curé d’Ars fit écrire une lettre circonstanciée à Mgr Devie, en dictant les termes de la lettre pour que ce départ soit accompagné d’un très bon nouveau poste. On lui porta la missive à l’église, il sortit du confessionnal, lut le brouillon, se recueillit, puis le déchira et dit : « Je réfléchissais que Notre Seigneur a porté sa croix pendant ces Saints jours, je puis bien faire comme lui. »
Un peu plus tard, rien n’évoluant, il donna son accord pour aborder le sujet, au maire d’Ars qui rencontrait son éminence. A Bourg, parlant à Mgr Devie du vicaire, ce dernier lui répondit : « le Curé d’Ars s’est ravisé » et il lui montra la lettre qu’il venait de recevoir où le Saint Curé demandait qu’on lui laisse encore un peu son « tant aimé M. Raymond ».
Jusqu’à la fin de sa vie, ce ne fut que délicatesse, allant même jusqu’à lui écrire « vous m’avez été si utile et rendu tant de services que vous avez enchaîné mon coeur ». Tout ceci est tiré de l’instruction pour son procès de canonisation. 
N’est-ce pas l’humilité, l’abnégation, le refus de toute violence ou d’une autorité imposée vis-à-vis de l’abbé Sentis qui a également « enchaîné le cœur » de l’ancien archevêque d’Auch ? 
On ne parle plus de captation d’héritage face au cœur pauvre et humble de notre grand Oncle, qui constitue selon les Béatitudes un sommet de la sainteté.
« Heureux les cœurs pauvres car le royaume des cieux est à eux. »
~~~
Extrait de l’ouvrage « le Curé d’Ars » par Monseigneur Trochut, Resiac, 1998