Zone de Texte: La Société des «Pères de la Croix de Jésus» - 1816-1833 devenue ensuite « Prêtres de Saint Irénée » du diocèse de Lyon 

La fondation d’une maison de « Missionnaires diocésains » à Lyon est le résultat de la rencontre d’un archevêque entreprenant, d’un site privilégié et de prêtres ardents.

Le cardinal Fesch, oncle de Napoléon, Archevêque de Lyon depuis 1802, avait l’intention d’établir en France déchristianisée par la Révolution, une Société de prêtres chargés de prédication, d’enseignement et de hautes études. Stoppée par le décret impérial de Schönbrunn, fin 1809, le cardinal ramena aux limites de son diocèse cette œuvre qui demeura jusqu’à sa mort « son enfant chéri ».
Il mit toute son énergie et ses deniers pour acquérir la partie la plus habitable de l’ancienne « Chartreuse du Lys Saint Esprit » fondée en 1585 au Nord-Ouest des pentes de la Croix Rousse. Un grand bâtiment, élevé au  XVI me siècle, carré et couvert à la Mansart réservé aux religieux de passage d’où son nom d’hôtellerie ou maison carrée.
Acquis en 1810, 100000 Frs sur ses deniers propres, le cardinal s’y installa dès 1811. C’était une demeure au nom prestigieux, dans un site incomparable, une sorte de palais agreste, livrant tous les charmes de Lyon sans obligation d’y vivre.
Cette maison devait devenir le siège, plutôt le cœur, d’une société de prêtres séculiers, du diocèse de Lyon, pieux et instruits sous la dépendance immédiate de l’archevêque. Ils se dévoueraient par engagement religieux aux prêches de missions diocésaines, à la direction des séminaires du diocèse et aux études ecclésiastiques.
Les initiateurs 
Monsieur Bochard, curé de Bourg en 1807 lors d’une tournée de confirmation (voir Les années en paroisse), ayant reçu le cardinal trois jours, dans son modeste presbytère, fut totalement conquis par cette oeuvre qui lui tenait tant à cœur : « l’œuvre des missionnaires ». Il fut appelé aussitôt comme troisième vicaire général, mais hésita plusieurs années devant les difficultés de l’entreprise.
En 1814 la veille de la fête de Saint Pierre, disant la messe à la primatiale Saint Jean de Lyon, à l’autel de la chapelle de la Croix, il eut l’inspiration qu’il devait fonder une association de prêtres pour faire le bien et les « œuvres » de zèle sous le nom des « Pères de la Croix de Jésus ». 
Le premier, futur membre contacté fut N. A. Delacroix d’Azolette, jeune prêtre aux qualités éminentes dont l’âme pure et généreuse ne rêvait que de bien pour l’Eglise et qui, en sa qualité de directeur du Grand Séminaire de Saint Irénée, était mieux à même que tout autre de discerner dans la foule des élèves, les esprits les plus propres à l’entreprise projetée. Il commença à tester des séminaristes avec cette douceur et cette prudence qui le caractérisaient. 
Le projet 
On remettait une feuille rédigée par M. Bochard, sous le titre de « Pensée Pieuse »,  aux séminaristes les plus aptes pour une vie de communauté et où l’on croyait discerner un cœur d’apôtre.
Ce programme d’action et de prière, bien que sous une forme désuète, mérite qu’on le rapporte, le fond restant d’actualité.
« Après un siècle d’impiété, l’irréligion est dans tous les lieux, dans toutes les classes de la société. Le mal est enraciné, l’opinion publique gâtée, la société irréligieuse. Mais douze apôtres ont converti le monde, Ignace de Loyola est arrivé au moment de Luther, Vincent de Paul et ses missionnaires ont évangélisé le pays après les années de guerre civile et de religion…. Accepterez-vous d’être choisi par le Seigneur pour être un de ses apôtres pour la réforme des mœurs ? Si vous acceptez, unissez-vous à ceux que le zèle de la Maison de Dieu dévore, en une association, source de sagesse, de réforme et de conversion par les prédications, missions, retraites, directions et pour les éducations, les séminaires, les collèges, les écoles, … Vous sauverez tout si votre cœur généreux se dévoue, vous perdrez tout si le langage de l’âme froide l’emporte. Il faut un profond esprit religieux pour réformer un siècle pervers. Cherchons les modèles à imiter pour en suivre l’esprit dans l’auguste tradition des anciens. Nos cœurs aspirent à commencer dès ce jour l’œuvre céleste. »
Le début de 1815 fut attentiste en l’absence du cardinal.
Tout étant consommé pour lui avec un exil définitif à Rome en milieu 1815, la sauvegarde de ses biens étant réglée par une vente fictive à l’abbé N-A. Delacroix d’Azolette, plus rien ne s’oppose à l’installation de la nouvelle Société aux Chartreux.
La création 
Pour l’officialiser, N-A. Delacroix d’Azolette au nom des treize premiers prêtres associés adresse le 20 Mai 1816 une supplication à M.M. les vicaires généraux, administrateurs du diocèse en l’absence du cardinal avec quatre demandes :
autorisation de former une congrégation à l’instar de celle du Bienheureux Charles de Borromée à Milan
permission de la dénommer « Société des Pères De la Croix de Jésus » et de la placer sous le patronage de Saint Irénée
nomination d’un supérieur ou préposé général autorisé à gouverner la Société pendant cinq ans
permission de fêter avec solennité les fêtes de la Sainte Croix et de Saint Irénée avec jeûne au pain et à l’eau le Vendredi Saint
Pour et au nom de tous les associés.
(Signé N-A. Delacroix)
En réponse, les vicaires généraux accédèrent le 11 juin 1816 à ces demandes et nommèrent, sous la réserve de l’approbation de Monseigneur Fesch, N-A. Delacroix préposé général pour cinq ans.
Selon le désir du Cardinal, la règle était celle des trois saints (Charles – Philippe de Neri – Felix de Cantalice, inspirateur de Charles) avec des orientations spirituelles de Saint Benoît à la demande de M. Bochard.
Début août, la petite colonie des premiers prêtres vint s’installer aux Chartreux chacun ayant sa chambre avec une pauvreté stricte, pradosienne avant la lettre, (table, lit, une chaise d’église) équipement sommaire en ustensiles ménagers et lingerie – une indemnité annuelle de vestiaire de 150 Francs.
Le travail commença, après une retraite de fondation de M. Mioland, avec six prédicateurs aussitôt débordés par les missions à prêcher…
Organisation de la Société des Pères
De la Croix de Jésus 
Ces prêtres sont tous des prêtres diocésains, appartenant au diocèse de Lyon et réunis sous l’autorité de l’archevêque en vue de missions intérieures à prêcher (dernière prêchée en 1960) et de l’enseignement à donner dans les séminaires diocésains ainsi que la direction de l’institution des Chartreux à partir de 1837.
Ils ont un Supérieur simple délégué ou vicaire de l’archevêque. C’est le « préposé général » nommé pour cinq ans renouvelables et choisi par l’archevêque parmi une liste de trois noms élus parmi les confrères. Il maintient les membres dans leur mission de prédicateurs ou de professeurs ou les affecte à d’autres fonctions du ministère diocésain telles que : cures, vicariat, aumônerie, direction de communautés religieuses, …
Ce n’est pas une congrégation mais plutôt une confraternité de prêtres uniquement séculiers, en esprit de communauté, avec des temps de rencontre et une chambre mise à disposition pour chacun dans la maison carrée.
Le seul caractère distinctif, c’est la promesse, c'est-à-dire un vœu d’obéissance plus étroite au chef du diocèse, jointe à celle de stabilité perpétuelle dans cette confraternité.
Les premières années de mission
On a souvent écrit, qu’à la Restauration, les missions visaient autant à soutenir la monarchie, qu’à affermir la religion. Rien n’est certain, car si les missionnaires prêchent le respect à l’ordre établi, ils n’oublient pas que tout leur vient du cardinal Fesch exilé mais non déposé. Avec l’arrivée de Léon XII, fut nommé Monseigneur de Pins comme administrateur apostolique du diocèse de Lyon et les missionnaires eurent quelque peu à souffrir de leur origine para impériale, puisque cet administrateur suspendra leur vœux de 1824 à 1833 sans toutefois arrêter leur ministère.
En 1833, le titre de « Prêtres de Saint Irénée » fut la nouvelle dénomination des prêtres, avec la rénovation de leurs vœux correspondant à un engagement après un an d’essai et renouvelé ensuite après trois ans écoulés.
Les membres  de la Société, une dizaine à la fondation en 1816 étaient 24 à l’élection de 1838, et peu avant la mort de N-A. Delacroix d’Azolette, en 1855 on comptait 71 membres. Ils sont actuellement une quinzaine de prêtres répartis entre paroisses, aumôneries et enseignement.
Les grandes dates de la Société des Pères des Chartreux de Lyon 
	1825 - L’abbé Pousset, successeur de N-A. Delacroix en 1823 à la cure de Saint Bruno, fonde une petite école cléricale qui plus tard deviendra l’institution des Chartreux, encore dirigée actuellement par le Supérieur des pères de Saint Irénée. C’est en 1859 que fut décidée la construction de l’actuelle chapelle de l’institution, un peu abusivement nommée « la petite Sainte Chapelle des Chartreux » en référence à la beauté des vitraux de Lucien Begule.
	1850 – Tenue dans la maison des Chartreux du premier Concile Provincial avec les sessions en l’église Saint Bruno en présence d’une douzaine de têtes mitrées dont N-A. Delacroix. Il faut noter que dans les actes du Concile reconnus par Rome est faite mention d’une demande de publication par l’Eglise, quatre ans en avance, de la reconnaissance de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie. De même un vœu oral des Pères du Concile concernait la poursuite à Rome de la canonisation de la Bienheureuse Marguerite Marie Alacoque. 
Après quoi, le cardinal de Bonald, à genoux aux pieds de l’autel, consacra la province de Lyon au Sacré Cœur de Jésus.
Actuellement, l’église paroissiale de Saint Bruno est en cours de rénovation totale après celle de la chapelle de l’institution, incendiée il y a quelques années par une main vengeresse. Au pinacle de la chapelle, Marie avec Jésus qu’elle entoure d’un bras, rappelle ce verset 22 du chapitre VII du Livre des Juges et devise des prêtres de Saint Irénée :
« Règne sur nous, toi, Marie et ton Fils »